Alexandre Poisson a effectué les recherches de défrichage pour ce rapport
Aujourd’hui, le Canada fait face à un choix entre deux systèmes, deux conceptions de la nature de l’homme. C’est la lutte entre les systèmes britannique et américain. Cela ne représente pas une nouvelle dispute dans notre pays, mais remonte à avant l’époque de la guerre d’Indépendance américaine. La période qui nous intéresse présentement est celle des décennies antérieures à 1867, l’année de la Confédération canadienne,[1] et menant à l’adoption en 1878 de la Politique nationale : les mesures protectionnistes qui accompagneront le Canada à travers trente-trois années de prospérité, de croissance et de développement sans précédent. Il y eut, durant cette époque, deux visions dominantes concernant le contrôle de l’avenir du Canada : l’une voyait la colonie subsister en tant qu’appendice de l’Empire britannique – une « économie de bas coûts » vouée à l’agriculture, l’extraction des matières premières, et aux politiques libérales des libres-échangistes britanniques. L’alternative à cette société appauvrie, sans avenir, était que le Canada devienne une nation souveraine dévouée au bien-être de sa population, à l’industrialisation, au « progrès interne »[2] et au protectionnisme. La première vision était poussée par George Brown, populiste, Père de la Confédération, agent impérial, et propriétaire-éditeur du Globe de Toronto.[3] L’autre était la vision d’un homme ayant non seulement une conception économique perspicace et une personnalité charismatique, mais aussi un profond sens de nationalisme humaniste : Isaac Buchanan – un poète, marchand, homme d’État, économiste et, sans oublier, le plus grand patriote du Canada.
Isaac Buchanan (1810-1883)
1- Le Canada au début du dix-neuvième siècle
La scène nationale sur laquelle Isaac Buchanan et George Brown allaient monter était sujette à des changements fréquents. Les dernières années de la décennie 1830, dû aux rébellions jumelées du Haut et du Bas-Canada en 1837[4], ont vu la loi martiale imposée sur la colonie par le gouverneur général, le représentant de la reine au Canada. C’est seulement en 1841, après des décennies d’agitation, que le gouvernement impérial adopta la politique du gouvernement responsable.[5] Les Canadiens étaient pour le moment apaisés, cependant les colons n’avaient pas encore de véritable pouvoir sur leurs propres affaires. À la même époque, le Canada essayait de se développer aux côtés des États-Unis, la nation la plus enviable de la planète, et celle avec la population la plus progressiste et prospère. Les politiques d’Alexander Hamilton et de ses successeurs menaient à une industrialisation largement répandue, alors que pour le cas du Canada, le libre-échange et la centralisation des manufactures en Grande-Bretagne empêchaient grandement la colonie de développer un marché intérieur convenable pour sa propre production agricole. Les économistes politiques britanniques qui étaient derrière ces politiques appartenaient à l’idéologie de l’École de Manchester, composée de personnalités comme John Bright et Richard Cobden, les héritiers de Smith, Ricardo et Malthus. Ils étaient les leaders de la Ligue de la loi anti-maïs, laquelle avait été créée en 1839 par les Lords Sydenham et Palmerston, dans l’intention de faire effondrer le prix du blé et d’éviter de payer des salaires plus élevés à la classe ouvrière, et ce, au bénéfice des marchands et des industriels. Ironiquement, malgré toute l’emphase des Britanniques à travers les décennies en faveur du libre-échange, ils n’ont eux-mêmes jamais abaissé leurs tarifs sur les produits manufacturés.[6]
George Brown (1818-1880)
La majorité de la population travaillait dans l’agriculture, sa prospérité dépendant des aléas des marchés internationaux capricieux, luttant sous des gouvernements coloniaux qui, malgré les changements de 1841, firent très peu pour améliorer les conditions des masses. Comme un observateur américain le soulignait dans les années 1840 :
« Bien que le taux de croissance de la population ait été plus élevé au Canada qu’aux États-Unis, néanmoins la croissance de sa richesse a à peine suivi celle de la population, et cette dernière est aussi pauvre qu’elle l’était il y a un demi-siècle. Les Canadiens ont été continuellement exposés aux bienfaits du libre-échange avec la Grande-Bretagne; nous, seulement une partie du temps. Chaque fois que nous tentions de subvenir à nos besoins avec notre propre industrie, avec les commodités et le nécessaire de la vie, nous avons amélioré notre condition en tant que peuple, et pendant les intervalles du libre-échange et de la grande quantité d’importations de biens étrangers, nous sommes retombés dans une condition approchant la faillite, alors que les Canadiens, eux, ont été constamment épuisés et gardés si pauvres par le libre-échange, qu’ils n’ont pu assembler suffisamment de crédit pour avoir au moins les hauts et les bas de la prospérité et de la faillite en alternance. »[7]
Malgré tout, il y avait des individus qui travaillaient à créer une nation dans l’Amérique du Nord britannique, ceux impliqués à construire les travaux vitaux du canal du Saint-Laurent et des Grands Lacs, les pionniers dans la construction de chemins de fer et les industriels qui, malgré le libre-échange[8], réussirent à bâtir des manufactures dans des endroits comme Montréal, Toronto et Hamilton; des hommes tels que William Hamilton Merritt, le père du système de canaux du Canada, et un pionnier crucial dans le projet des voies ferrées;le protégé de Merritt – le « Prophète du progrès » au Canada– Thomas Coltrin Keefer, le fondateur de la Société canadienne des ingénieurs civils et l’impulsion derrière plusieurs importants projets urbains, de chemins de fer et de canaux.
William Hamilton Merritt (1793-1862)
Puis il y eut le peu connu « père du protectionnisme », John Maclean, sans mentionner tous les entrepreneurs, marchands et hommes d’État qui mèneront le Canada à l’ère industrielle moderne, dont plusieurs étaient des amis et des associés d’Isaac Buchanan. Ce type de citoyens a façonné la création des institutions et des organisations sur lesquelles toutes les nations dépendent absolument, et a vu l’intérêt de son pays comme étant lié non seulement à la Grande-Bretagne et à l’Empire, mais de plus en plus à la jeune république américaine au sud et aux principes que celle-ci défendait. Au cours des décennies suivantes, le Canada se développera et se définira en fonction des changements survenant au sein des États-Unis, les grandes questions de l’idée d’une nation et de la souveraineté propulsant ses politiques coloniales avec insistance.
2- Un bâtisseur de nation canadien
Isaac Buchanan naquit le 21 juillet 1810 à Glasgow, en Écosse. Il s’initia aux affaires à l’âge de quinze ans sous le patronage d’un ami de son père. À dix-neuf ans, il était devenu un associé dans la compagnie, et en 1833, la totalité des opérations canadiennes de la firme était transférée à son attention. Il s’engagea dans les affaires commerciales, et était l’un des premiers marchands à ouvrir des filiales dans le Haut-Canada, vendant des marchandises sèches à Toronto, Hamilton et London. Après avoir décidé de s’établir à Hamilton, il prit la résolution de bâtir une voie ferrée dans la région du sud-ouest de l’Ontario, qui sera connue par la suite sous l’appellation du Grand chemin de fer du Nord-Ouest (the Great Western Railway), reliant Toronto avec Hamilton, Windsor et la région de Niagara. En 1835, Buchanan fonda le ministère du Commerce de Toronto et le présida jusqu’en 1837. Cette même année, il ouvrit une succursale à New York, circulant parmi les échelons les plus élevés de la classe marchande de la ville, et en même temps fut exposé aux idées d’Henry C. Carey, le grand économiste américain qui venait de publier son premier ouvrage majeur, Principes d’économie politique. Outre ses affaires commerciales, Buchanan fut également le fondateur d’ :
« églises, de systèmes d’éducation, d’hôpitaux, d’asiles, de salles de nouvelles et d’échanges commerciaux, de chambres de commerce, de sociétés nationales et d’immigration, de bureaux d’assurances, de banques, de compagnies de fiducie et de prêts, de la navigation à vapeur, de la télégraphie, etc., et le dernier, mais non le moindre, de l’art de construire des chemins de fer. »[9]
Henry Charles Carey (1793-1879)
Buchanan est connu et aimé à Hamilton, en Ontario, en tant que principal fondateur du grand complexe industriel de cette ville. En réponse à l’abolition des lois sur le blé, Buchanan quitta le Canada pour organiser avec les classes ouvrières de la Grande-Bretagne, de 1846 à 1851, dans leur lutte contre l’École de Manchester. Il était occupé à rédiger des pamphlets, à exercer des pressions, à écrire abondamment aux journaux et aux politiciens, et à organiser des concours de rédaction auprès des classes ouvrières sur des sujets comme le libre-échange, le protectionnisme et le travail.[10] Buchanan se porta candidat aux élections dans le Haut-Canada et fut élu en 1854. Dès le début, étant un homme de principes et d’humour, il fut favorisé par la presse en proportion du vitriol qu’il tira de ses rivaux politiques. Buchanan aimait dire que la raison pour laquelle il pouvait se tenir à l’écart des rivalités mesquines de la colonie et travailler pour le bien commun provenait du fait qu’il « possédait suffisamment du caractère écossais pour craindre Dieu, et n’avoir aucune autre crainte; pour être capable de se représenter comme étant continuellement dans un plus haut maintien que celui des hommes d’État ou des rois. »[11] De telles sensibilités chrétiennes et patriotiques contribueront à former sa pensée économique et politique dans les années suivantes, et sont exprimées peut-être plus élégamment dans le passage suivant, extrait de sa biographie :
« Parmi les nombreux sujets qui semblent avoir occupé l’esprit de M. Buchanan, la grande cause du travail est celle à laquelle il a consacré la plus grande quantité de réflexion et d’effort. Il soutient que la simple production, ou la simple existence de la nourriture, n’est pas la première nécessité de la vie, dans un état de civilisation. Il dit que l’emploi est la première nécessité dans notre état de société, saisissant que l’homme pauvre n’est aucunement soulagé de savoir que tous les greniers du voisinage sont remplis de matières à pain, s’il est sans emploi, lequel est la seule clé pour accéder à ces greniers. Il retient la question de notre travail intérieur comme étant indiciblement plus importante que la question de notre commerce extérieur; le travail étant la nécessité; le commerce, l’incident. Il s’est efforcé à ce que les hommes devraient vraiment manger et être satisfaits avec le pain qu’ils peuvent gagner à la sueur de leur front ou de leur cerveau, et ne pas être constamment sacrifiés comme un holocauste au reliquaire du Veau d’or, ou devenir une simple pièce de la machinerie qu’ils huilent et font marcher, et être regardés par leurs employeurs avec aussi peu d’intérêt que les manivelles et les rouages du métier à tisser de la grande puissance du monde, dans le vacarme duquel tous les bruits douteux sont étouffés, ainsi que les gémissements du travail minable. M. Buchanan diffère des libres-échangistes et des économistes politiques non seulement en niant que leur système en est un de libres exportations, tandis qu’il est certainement un système de libres importations; mais aussi en ceci que, leur sincère intérêt se trouve dans le tissu, alors que le sien est dans le tisserand; le leur, dans le produit; le sien, dans le producteur. »[12]
La philosophie que Buchanan appliquait à ses théories économiques était simplement un reflet canadien du système américain. Buchanan fit référence à un discours prononcé en 1844 par Henry Clay, dont plusieurs extraits suffisent à démontrer l’influence au Canada des économistes et hommes d’État du système américain :
« … Nous devons cesser nos jalousies de parti, et tous nous efforcer à promouvoir les meilleurs intérêts du pays… Les manufactures doivent avoir leur lieu; le commerce, son centre, et l’agriculture, son champ… D’un coup d’œil à la constitution physique de ce pays, il est facile de voir qu’aucune ambition ne peut lui profiter qui ne soit pas une ambition pour l’ensemble du pays. Aucune partie ne peut être construite, sur une base solide et durable, sans bâtir l’ensemble; et celui qui, par sa politique, retarderait et paralyserait les énergies d’une partie, porterait un coup à l’ensemble. »[13]
Henry Clay (1777-1852)
Le principe du bien-être général, sur lequel l’énoncé précédent repose, était inclus dans les idées et les actions de Buchanan alors qu’il allait combattre les puissants intérêts impériaux et financiers déterminés à empêcher la colonie d’atteindre la souveraineté. Ces intérêts cherchaient à arrêter l’industrialisation, car à l’époque, une nation manquant de voies ferrées et de production d’acier ne pouvait jamais caresser l’idée de l’indépendance. Alors George Brown et ses associés libéraux-radicaux attaquèrent les tentatives de développement du Canada, pendant qu’en vérité ils attaquaient la question de la nation elle-même.
3- Le Tarif de 1858
Dans les années suivant son retour de la Grande-Bretagne en 1851, étant à la fois impliqué à promouvoir le développement de la voie ferrée et des canaux, ainsi que le Traité de réciprocité[14], Buchanan publiait fréquemment des articles dans les journaux de l’Ontario, incluant le Spectator d’Hamilton et Message de William Lyon Mackenzie, sur l’idée de réformer le système monétaire canadien dans l’intention de promouvoir le commerce intérieur comme prioritaire par rapport au commerce étranger. En outre,
« Buchanan préconisait l’abrogation de l’Union, une constitution écrite, des gouverneurs élus, une séparation des pouvoirs exécutif et législatif, ‘et que le Peuple garde ce dernier et le Pouvoir du Trésor entre ses propres mains’…Il préconisait donc le Système américain ‘sous lequel la fonction des ministres (c’est-à-dire l’exécutif) est d’appliquer la loi, et non de la faire.’ La seule façon d’éviter l’annexion aux États-Unis, conclut-il, était que le Canada ait une constitution écrite lui donnant ‘tous les avantages de l’état des choses aux États-Unis’ [insistance ajoutée]. »[15]
En réponse à la dépression qui avait frappé le Canada en 1857 et aux efforts d’organisation de Buchanan, plusieurs industriels et marchands canadiens influents de Toronto et de Montréal se réunirent pour former l’Association pour la Promotion de l’Industrie Canadienne (APIC) en 1858. Le 16 avril 1858, la direction de l’APIC, avec Buchanan comme « la principale force derrière elle », rencontra l’inspecteur général William Cayley, le ministre des Finances intérimaire, le co-premier ministre John A. MacDonald, George Étienne Cartier et onze autres membres élus du gouvernement. Ensemble, ils s’accordèrent sur une politique tarifaire qui, pour la première fois dans l’histoire canadienne, avait l’« intention avouée de protéger les manufactures domestiques [insistance ajoutée – RDA]. » Plus tard cette même année, les tarifs furent augmentés vis-à-vis des divers biens américains et britanniques, passant d’entre 5% et 15% à un taux moyen de 20%.[16] Cette initiative audacieuse ne fut pas bien accueillie par les industriels britanniques de Sheffield, ni par certains éléments du gouvernement impérial, qui percevaient la décision souveraine de la colonie comme un dangereux précédent. Aux États-Unis, quelques intérêts furent troublés; cependant, les tarifs canadiens étaient encore, en général, inférieurs à ceux des États-Unis.[17] La politique tarifaire, contrairement aux avertissements de mauvais augure des Libéraux et du Globe, s’était avérée un grand succès, tel que Buchanan l’indiqua lors d’un discours en 1863:
« Un résultat de notre législation patriotique depuis 1858…fut l’existence au Canada de plus de mille tanneries. La fabrication du papier, de la laine, d’articles en bois et d’outils agricoles a augmenté également. En fabriquant les articles mentionnés, nous nous épargnons l’obligation d’envoyer hors de la Province au moins deux millions de dollars comptant par année… En fabriquant ces articles, nous n’occasionnons pas seulement une immense augmentation de l’emploi dans notre propre population pour ceux qui ne sont pas en mesure d’exercer d’autres sortes de travail, mais nous retenons dans la Province l’argent qui servira à l’agriculture et à d’autres intérêts, augmentant ainsi non seulement nos ressources en capital dans la Province, mais réduisant aussi le taux d’intérêt auquel il peut être emprunté. »[18]
Buchanan comprenait que telle se portait la situation des fermiers de la colonie, telle se portait l’économie dans son ensemble. Ainsi, dans la tradition du Rapport sur les manufactures d’Alexander Hamilton, il fit la promotion de l’industrialisation du Canada et de la question de l’emploi de la population comme inextricablement liée au succès de l’agriculture. Buchanan savait que sous le système actuel, dominé par l’idéologie du libre-échange de l’École de Manchester, le Canada ne bâtirait jamais le marché domestique nécessaire, car il fut témoin du,
« …triste sort du Bas-Canada, dont le sol a été épuisé par la surculture du blé. Le Bas-Canada a aveuglément suivi le conseil intéressé ou ignorant des économistes politiques britanniques, et s’en est tenu à faire pousser du blé pour l’exportation, ne songeant guère combien important serait le pourcentage que cela prendrait chaque année pour représenter la détérioration du sol sous un tel traitement. »[19]
Buchanan avait été capable de rallier beaucoup de personnes à sa cause au cours des années et cela ne passa pas inaperçu par les puissances dirigeant le Canada, qui répondirent en déployant des agents afin de miner le progrès qui avait été accompli par Buchanan et ses collaborateurs. Leur agent le plus célèbre était George Brown.
4. George Brown: la voix de l’École de Manchester
Pour comprendre le rôle que Brown jouera dans l’histoire, il est nécessaire de faire un pas en arrière et de repasser les points les plus saillants de sa vie. Brown naquit en 1818 dans une famille ardemment pro-Adam Smith et pro-École de Manchester, dont il adopta les idées de bon cœur dès l’âge de 18 ans. Il était un « défenseur conséquent de la supériorité des institutions britanniques sur le républicanisme américain, et… un profond partisan des doctrines du libre-échange enseignées par les Libéraux économiques britanniques d’Adam Smith à Richard Cobden. »[20]
Un des premiers héros de Brown fut le leader britannique Lord John Russell, le virulent grand-père anti-américain et le premier mentor du philosophe Bertrand Russell. Pendant toute sa vie, Brown fut dévoué à promouvoir les intérêts de l’Empire britannique, même aux dépens de la terre sur laquelle il habitait. En 1842, Brown et son père, Peter, déménagèrent de la Grande-Bretagne pour s’installer à New York. C’est à cet endroit que Peter Brown écrivit La renommée et la gloire de la Grande-Bretagne défendues, qui incluait de nombreuses attaques contre le système américain; en réponse, l’Américain anti-esclavagisme, C.E. Lester, composa La honte et la gloire de la Grande-Bretagne.[21] Plus tard, Brown et son père commencèrent à publier un journal hebdomadaire nommé The British Chronicle, comme organe du système britannique à l’intérieur des États-Unis.
Étant de véritables partisans de l’autorité divine de leurs lois économiques favorisées, chacun fut très opposé aux demandes à l’intérieur des États-Unis à cette époque pour la création d’une banque nationale, tout comme ils opposaient toute régulation législative ou interférence dans le domaine des affaires. En 1843, Brown commença à voyager au Haut-Canada et en août de cette même année, il commença à publier un petit journal à Toronto connu sous le nom de The Banner. Un an plus tard, il fonda le Globe et commença à promouvoir ses théories économiques pour le Canada. Brown défendait : « [une] économie de bas coûts, essentiellement façonnée pour bénéficier aux producteurs du secteur primaire qui étaient le fondement de l’activité commerciale canadienne, un abaissement des barrières commerciales par la réciprocité, une limitation des dépenses du gouvernement, et, par-dessus tout, l’absence de tarifs protectionnistes. »[22]
En tant qu’éternel populiste, menant des campagnes à partir de la section éditoriale du Globe, il enflammait toujours les passions des protestants du Haut-Canada contre les catholiques du Bas-Canada, ou bien il décriait l’injustice du système parlementaire de l’époque, qui donnait un nombre égal de sièges à chaque province, alors que le Haut-Canada avait une population beaucoup plus grande et générait une plus grande quantité de revenu gouvernemental, entre autres choses. Avec ces types de tactiques, Brown opérait comme agent de l’oligarchie britannique, contribuant aux divisions politiques et culturelles, basées sur ce qui se réduisait à de minables questions à controverse sans importance réelle pour l’avenir du Canada, sauf dans la mesure où, par elles, Brown était capable de convaincre plusieurs personnes de négliger les plus grandes questions de l’art de gouverner. Brown attaquait souvent le développement industriel et infrastructurel dans les provinces – principalement sur les questions de corruption – non pas dans l’intention d’encourager le développement honnête, mais de décourager toute forme de développement. Malgré un caractère tout à fait corrompu et un manque de vision absolu,[23] dès 1853, Brown avait érigé le Globe au statut de journal de l’Amérique du Nord britannique le plus largement lu et le plus influent.
En 1848-9, un groupe de jeunes libéraux-radicaux britanniques qui faisait partie d’une opération de déstabilisation globale lancée par les Lords Palmerston et Russell, vint au Canada et commença à fonder plusieurs journaux qui à l’époque étaient rivaux du Globe. Dirigés par William Macdougall, Charles Clarke, David Christie et Charles Lindsey, ces hommes épousèrent des idées libérales extrêmes, qui alarmèrent même Brown, qui désigna ceux-ci comme un « Parti du jeune Canada » (“Young Canada party”) et une « faction liée à la rébellion et à la violence du radicalisme antérieur. »[24]
Ces jeunes hommes commencèrent à prendre possession du pouvoir dans le Mouvement réformiste de Robert Baldwin et de Louis-Hippolyte Lafontaine, et à déstabiliser le gouvernement réformiste de 1848-51, forçant Merritt, Baldwin et Lafontaine, lesquels faisaient plusieurs bonnes choses pour la colonie, à démissionner en 1851. Ceci marqua la fin du premier et unique gouvernement fonctionnel depuis 1841, alors que les politiques coloniales succombaient à la radicalisation – le Canada ne reverra pas un autre gouvernement efficace pendant plusieurs années.
En 1853, MacDougall adopta une politique de rapprochement amical avec Brown pour gagner le support des Réformateurs browniens, pour lui saper le potentiel de leadership, car Brown possédait « une entreprise de presse florissante avec un pouvoir d’influence sur l’opinion publique sans égal. »[25] Par conséquent, en 1855, MacDougall joignit le conseil éditorial du Globe, tandis que Brown s’accapara de toutes les publications radicales, se convertit totalement à la cause radicale, et ensemble ils réformèrent le Parti libéral à l’image du « Jeune Canada ». En 1857, Brown, en tant que leader politique et propriétaire de journal, convainquit les Réformateurs du Haut-Canada d’adopter sa plateforme populiste qui incluait, entre autres choses, la représentation selon la population et le libre-échange.
En juillet 1858, il avait été demandé à Brown de former un gouvernement de coalition avec un parti du Bas-Canada, ce qu’il réussit à faire; toutefois, deux jours plus tard, son gouvernement s’effondra à l’amusement général du pays. Pendant l’année suivante, un Brown démoralisé se retira de la politique et de son journal, confiant le Globe à son frère Gordon et à son meilleur éditeur, George Sheppard. M. Sheppard se trouvait aussi à être un membre de l’APIC et un proche allié d’Isaac Buchanan. Il s’empara du contrôle du journal aux dépens de Gordon, Macdougall et des autres libéraux-radicaux et commença à écrire plusieurs éditoriaux puissants encourageant des réformes constitutionnelles modelées sur la Constitution américaine, telle « la diminution du pouvoir exécutif, suivant l’exemple américain. »
Sheppard dénonça « l’échec du cabinet du gouvernement au Canada, demandant une constitution écrite et la séparation entre l’exécutif et le législatif. » La presse libérale fut « horrifiée » de la révolution totale au Globe, lequel semblait avoir abandonné tous les principes que Brown avait défendus.[26] Au même moment, Sheppard écrivait des articles dans d’autres journaux, promouvant le tarif de 1858 et défendant Buchanan des attaques que Brown lançait sporadiquement contre lui pendant cette période. Cependant, dès la fin de l’été de 1859, Brown s’était rétabli suffisamment pour commencer à réaffirmer son contrôle du journal, et lança une guerre de calomnies contre la réputation de Sheppard.
À l’été 1862, George Brown se trouvait en Grande-Bretagne, où il rencontra à plusieurs reprises le secrétaire colonial, le Duc de Newcastle, qui lui fit comprendre les intentions du gouvernement impérial pour la colonie. Le gouvernement impérial désirait l’achèvement d’un chemin de fer pour unir les colonies britanniques séparées qui formaient alors le Canada. Brown acquiesça, bien qu’il avait été un opposant vociférant du développement de chemin de fer depuis quelques années. Il rencontra également les actionnaires du chemin de fer du Grand Tronc, la compagnie assignée à la construction de l’intercolonial, pour discuter de son financement continu, puisque le projet était embourbé dans les dettes et la corruption. Le président du conseil du Grand Tronc était Thomas Baring de la maison bancaire Baring, le principal financier des trafiquants d’opium du monde.[27] Brown retourna ensuite au Canada au début de 1863, à temps pour participer à deux élections avant la fin de juillet. Plus tard cette même année, Brown allait être la principale cible du plus célèbre discours d’Isaac Buchanan, celui qui allait propulser Buchanan à la présidence du conseil exécutif.
Le Grand Tronc
5. La Guerre civile et la proposition de loi sur la milice de 1862
George Brown était entré en consultation avec les leaders de la Grande-Bretagne en 1862, alors que la Guerre civile faisait rage aux États-Unis. L’issue de cette grande crise allait déterminer l’avenir du Canada. Depuis leur défaite dans la guerre d’Indépendance, les Britanniques avaient tenté de détruire la République américaine – de diviser l’Union en deux, la partie sudiste dans une sphère dominée par l’esclavage, du Maryland jusqu’à l’Amérique du Sud, alors que les États du nord seraient annexés aux provinces de l’Amérique du Nord britannique. Cette stratégie était connue par Henry C. Carey et ses collaborateurs plusieurs années avant que la Guerre civile éclate. Les Britanniques avaient dirigé des opérations à travers la République, la plupart des présidents depuis les années 1830 étant des scélérats et des agents de Wall Street. Carey fit des observations sur l’aggravation de la situation en 1859 dans une lettre à un ami :
« … [les Britanniques] se félicitent déjà de la dissolution prochaine de l’Union, et du rétablissement complet de l’influence britannique sur cette portion nordique du continent. Pour prouver ceci, permettez-moi de vous référer aux extraits suivants issus du Morning Post, maintenant reconnu comme l’organe du gouvernement palmerstonien : ‘Si les États nordiques devaient se séparer des sudistes à propos de la question de l’esclavage – qui agite maintenant si férocement l’opinion publique aux États-Unis – cette portion du chemin de fer du Grand Tronc qui traverse le Maine pourrait être fermée à la Grande-Bretagne n’importe quel jour, à moins qu’en effet les gens de cet État, avec un œil sur le profit commercial, offriraient de s’annexer au Canada. Pour des raisons militaires autant que commerciales, il est évidemment nécessaire que l’Amérique du Nord britannique puisse posséder, sur l’Atlantique, un port ouvert en tout temps de l’année – un port qui… rendra la Grande-Bretagne, en temps de paix comme en guerre, indépendante des États-Unis…’ ‘… si la séparation devait avoir lieu – les États confédérés de l’Amérique du Nord britannique, alors une nation forte et compacte, tiendraient de fait la balance des pouvoirs sur le continent, et mèneraient à la restauration de l’influence qui, il y a plus de quatre-vingts ans, la Grande-Bretagne était censée avoir perdue.’ Regardez où nous pouvons entrer en désaccord, en déchéance, et l’esclavage marche main dans la main avec le système de libre-échange britannique – l’harmonie et la liberté, la richesse et la force, au contraire, croissent dans tous ces pays qui ont résisté à ce système. »[28]
En décembre 1861, le bateau-poste à vapeur britannique Trent, voyageant vers l’Europe, fut réquisitionné par un navire de guerre américain; deux agents confédérés furent découverts à bord du vaisseau britannique et furent enlevés de ce dernier. « La neutralité britannique » fut immédiatement exposée comme une fraude, provoquant un tumulte parmi le public américain. Se servant de la crise et du prétexte d’une invasion américaine potentielle, 15 000 soldats britanniques furent envoyés au Canada par les Lords Palmerston et Russell, afin de garder la colonie sous contrôle, et aussi pour menacer l’Union avec une guerre sur deux fronts. À partir de ce moment, jusqu’à la reddition des Confédérés, le Canada était un pays occupé de facto et servit de base pour les assauts contre les États-Unis par les Confédérés, lesquels étaient protégés par les Britanniques. Au printemps de 1862, le gouvernement canadien (duquel Isaac Buchanan était membre) proposa la loi sur la milice. Cette législation exigeait une force constituée de 50 000 miliciens actifs et une réserve de 50 000 hommes additionnels; de plus, la loi incluait le droit de décréter une conscription si jugée nécessaire. Buchanan lui-même préconisait une milice de 240 000 hommes. Le coût initial serait d’un demi-million de livres, quoique largement réduit au cours des années suivantes. Le Globe s’y opposait impétueusement:
« Nous ne pouvons pas croire qu’avec le ‘déficit chronique’ existant déjà entre le revenu annuel et les dépenses de la Province, il puisse vraiment être proposé d’ajouter un tel poids à la charge des gens… pour un pays comme le Canada avec une lourde dette, un grand déficit annuel et la perspective d’une quatrième augmentation des impôts en quatre ans – cela nous semble totalement insoutenable. »[29]
Cependant, ceci n’était pas une simple question de finances, comme Buchanan plaida à plusieurs reprises, puisque les dépenses pour défendre la population et la propriété de la colonie auraient facilement pu être couvertes par une légère taxe de propriété, et peu importe quelle augmentation du fardeau cela aurait occasionné, cela en aurait valu la peine. Pour Buchanan, quelque chose d’aussi important que l’autodétermination n’avait pas de prix. C’était une question de souveraineté: avec une importante guerre faisant rage au sud et une armée britannique déployée le long de la frontière et mise en garnison dans les villes, des patriotes tels que Buchanan percevaient une opportunité de faire progresser la cause de la nation – ils soutenaient que face à une potentielle invasion américaine, le pays avait besoin de s’armer et 100 000 soldats semblaient suffisants pour protéger le pays contre toute menace posée par les puissances étrangères. Palmerston et compagnie, cependant, n’étaient pas trompés; avec des manigances impériales et le facteur d’intimidation d’une armée d’occupation jouant un rôle significatif, Brown et ses associés libéraux firent échouer la proposition de loi efficacement. Ils accomplirent ceci en partie en entraînant une faction du gouvernement à déserter son parti à propos de la question non reliée de la représentation selon la population!
Avec cette défaite, le gouvernement s’effondra. Au lieu de la proposition de loi originale, une seconde fut présentée par le gouvernement subséquent, plus tard dans l’année, quoique sur une échelle drastiquement réduite, substituant 25 000 volontaires inactifs et entraînés insuffisamment.[30] Puis à l’été de 1863 vint le point tournant de la Guerre civile – la double victoire des forces de l’Union de Lincoln à Gettysburg et à Vicksburg. Le Système américain de Lincoln et de Carey émergeait comme le plus puissant système du continent, et allait bientôt démontrer sa vitalité à travers le monde. Comment Londres allait répondre restait encore à voir.
6. Punctum Saliens
Pendant ce temps, Buchanan escalada son combat pour un Canada souverain en publiant le livre Les relations de l’industrie du Canada avec la mère patrie et les États-Unis (The Relations of the Industry of Canada with the Mother Country and the United States)[31] dans lequel il proposa un Zollverein nord-américain[32] basé sur le Système américain que l’Allemagne avait importé des États-Unis dans les années 1830, dû en grande partie au travail de l’économiste germano-américain Friedrich List. L’adoption d’une union de tarifs douaniers élevés avait mené à un fort progrès de l’économie allemande et de la population. Cet exemple parmi tant d’autres de l’application réussie de mesures protectionnistes, sans oublier les écrits du « grand économiste américain Carey,…dont il n’existe aucune autorité plus grande, »[33] mena Buchanan à croire que l’intérêt national et la souveraineté du Canada reposaient sur un accord économique similaire avec les États-Unis, par lequel les deux nations formeraient une union douanière et un système tarifaire communs, partageant les revenus ainsi perçus proportionnellement à leurs populations. La politique serait de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, et de tarifs protectionnistes envers l’Europe et la Grande-Bretagne. Les principes qui guideraient l’accord seraient la promotion du « progrès interne » et la poursuite de l’industrialisation dans chaque pays afin d’assurer l’emploi et la prospérité des populations respectives. Buchanan avait formé des réseaux d’« Américains distingués [qui étaient] ravis » à l’idée et prêts à mettre de l’avant cette politique. James Wickes Taylor, un agent spécial du Trésor des États-Unis qui avait été chargé de mener des enquêtes sur les relations entre le Canada et les États-Unis, livra un rapport au gouvernement conseillant l’adoption du Zollverein que Buchanan avait publié dans sa plateforme économique de 1864 intitulée Les Relations de l’industrie du Canada avec la mère patrie et les États-Unis (The Relations of the Industry of Canada, with the Mother Country and the United States).
À partir du début de l’été de 1863 et pendant approximativement l’année qui suivit, il y eut une escalade d’attaques politiques entre Buchanan et Brown, avec une foule d’articles écrits par chacun des hommes. En raison du populisme agressif de Brown et de son opportunisme politique, Buchanan fit les observations suivantes:
« De plus en plus, chaque jour il est remarqué que M. Brown est un Judas dans les rangs des gens, et a trahi la vraie Réforme et les meilleurs intérêts de la Province avec un baiser. Il attaque la Réforme de nom… seulement quand cela convient à son intention égoïste. » « M. Buchanan appelle [Brown] le Robespierre canadien, la différence étant que lorsque le Robespierre français ne pouvait pas étouffer les arguments de ses opposants, il éliminait les opposants eux-mêmes; alors que le Robespierre canadien, moins viril, dépossède tous ceux qui osent s’opposer à lui – dans la mesure où le Globe le peut – de leur réputation. »[34]
Le 17 décembre 1863, lors d’un souper en l’honneur de la Convention de l’opposition parlementaire canadienne (Canadian Parliamentary Opposition Convention), Isaac Buchanan prononça un discours qui continua à préciser le combat sur le sort du Canada. Le gouvernement de l’époque était dirigé par les Réformistes John Sandfield Macdonald et Antoine Aimé Dorion, le parti dont George Brown était le « suzerain ».[35] Plus tôt le même mois, Buchanan avait été fêté comme l’un des pionniers du Haut-Canada, avec son vieil et très respectable ami, le défunt Honorable William Hamilton Merritt. Buchanan parla en réponse à un discours qui avait été fait concernant « le progrès interne de la Province. »
« La chose la plus appropriée qu’il pouvait dire en réponse au toast fut que le progrès interne du pays ne serait pas encouragé par le gouvernement actuel [acclamations et rires](…) Il lui semblait qu’il y avait une grande et manifeste détermination parmi les hommes d’État radicaux inférieurs (Richard Cobden et John Bright – RDA), en Grande-Bretagne, pour s’ingérer dans notre gouvernement responsable au sujet des tarifs, et aucun Ministère n’est jamais allé aussi loin dans la direction de les soutenir comme les hommes actuels. « La vraie politique économique du Canada est de promouvoir la prospérité du fermier canadien ». Et comment cela doit être fait est la simple question politique du patriote canadien. « Une vraie réforme politique (telle que nous avions avant que le Globe vienne au Canada) est, dans un état de société progressif comme nous avons aux États-Unis, le véritable conservatisme. Nous devons être économes non seulement en appliquant l’argent des personnes pour leur propre bénéfice, mais aussi en assurant à notre propre population tout l’emploi que nous pouvons, en fabriquant les articles dont nous avons besoin, sachant que lorsque les manufacturiers habitent dans un pays étranger, ils ne consomment pas la production des fermes canadiennes. Aucun pays ne peut être grand sans avoir une rotation des cultures, et aucun pays ne peut avoir cela sans avoir une population manufacturière qui mange les produits non exportables. » « L’adoption par la Grande-Bretagne pour elle-même de ce principe transcendantal [le libre-échange] a tout sauf perdu les Colonies, et sa tentative furieuse d’en faire le principe de l’Empire britannique éloignerait entièrement les Colonies. Bien que simulant une intelligence peu commune, les Écoles de Manchester (comme nos Clear Grits [les libéraux radicaux de Brown – RDA]) sont, en tant que classe, aussi dépourvues de savoir du monde que du principe patriotique [acclamations] (…) Comme conséquence inévitable de la législation de la Grande-Bretagne, le Canada demandera à celle-ci de sanctionner l’établissement de deux choses, sujets sur lesquels le temps ne lui a pas permis de développer. Premièrement, un Zollverein américain. Deuxièmement, le Canada deviendra un territoire neutre en temps de toute guerre entre la Grande-Bretagne et les États-Unis… »[36]
Le discours fut largement acclamé dans la presse conservatrice. Il fallut presque trois semaines pour que le Globe et ses éditeurs dénoncés réunissent une réponse, laquelle apparut le 6 janvier 1864:
« [Les presses conservatrices] sont toutes unanimes dans l’expression de leur approbation. Ce fut un grand discours, un discours magnifique digne d’un vrai orateur… Ils approuvent les sentiments qu’il contient, les principes qu’il met de l’avant, et pour bon nombre d’entre eux, il y avait longtemps qu’un aussi bon discours avait été donné au monde – ainsi déclarent-ils tous. (…) En d’autres mots, la Grande-Bretagne doit abandonner le libre-échange – un principe qui, plus loin il est poussé, plus grande devient la prospérité, un principe qui a une place profonde dans le cœur des gens, un principe dont la rectitude et le pouvoir bénéfique sont reconnus par les plus grands penseurs depuis Adam Smith, ou quoi d’autre? Pourquoi les gens des colonies, souffrant sous le mal intolérable qui leur est fait, vont se soulever contre l’autorité impériale, et jurer pour toujours leur allégeance à la Couronne. (…) Il [M. Buchanan] croyait que, comme conséquence inévitable de la législation du libre-échange de la Grande-Bretagne, le Canada demanderait à celle-ci de consentir à deux choses : ‘Premièrement, un Zollverein américain. Deuxièmement, le Canada deviendra un territoire neutre en temps de toute guerre entre la Grande-Bretagne et les États-Unis’. Seulement cela peut nous sauver de l’annexion! Quelle proposition modeste! (…) Sinon, selon M. Buchanan, le résultat inévitable est que, comme le firent les treize colonies, nous nous séparerons de la mère patrie [mise en évidence ajoutée – RDA]. (…) [Buchanan destine] le Canada à être laissé à lui-même, pour protéger son territoire… Avec le pouvoir de la paix et de la guerre nous étant ainsi donné; avec tout intérêt commercial britannique détruit chez-nous par des restrictions artificielles [Zollverein – RDA], quoi d’autre devrions-nous être qu’un pays indépendant? »[37]
La ligne était sans contredit tracée entre ces deux hommes. Buchanan, qui avait poussé une telle indépendance pendant des décennies, était clair: c’était une politique qui allait engendrer la prospérité canadienne, et les gens aux États-Unis, sous le leadership d’Abraham Lincoln, étaient prêts à écouter. Buchanan était au sommet de sa puissance et de son influence. Son discours du 17 décembre avait été acclamé par tout le monde et publié amplement, démontrant le support étendu de ses politiques. Le Globe lança une campagne majeure contre Buchanan tout au cours du mois de janvier, attaquant à plusieurs reprises l’homme ainsi que les idées qu’il avait présentées à Toronto.
Malgré les tactiques jacobines du Globe, en avril 1864, le nouveau Ministère Macdonald-Taché nomma Buchanan à la présidence du conseil exécutif[38] dans l’intention de développer une nouvelle relation avec les États-Unis de Lincoln et de Carey en pleine ascension, qui étaient bien en chemin pour la victoire. Immédiatement, le 8 avril, le Globe lança une série de calomnies contre Buchanan dans une tentative de le discréditer dès le début, mais il était trop populaire et trop largement connu pour être blessé substantiellement par tout ce que Brown pouvait lui balancer.
Cependant, en juin de 1864, en tant que dernier d’une longue série de Ministères écourtés, le gouvernement de Macdonald-Taché s’effondra devant un désillusionnement et une insatisfaction considérables par rapport à l’union entre le Haut et le Bas-Canada. Le populisme que Brown et ses collaborateurs radicaux avaient encouragé pendant des années avait gagné assez de support, et avait créé suffisamment de divisions au sein des partis que rien n’était capable de fonctionner. Plusieurs mois auparavant, Brown s’était fait nommer à la tête d’un comité spécial qui mènerait les provinces vers la confédération de façon à résoudre prétendument les différentes questions qui les rendaient impossibles à gouverner. Il présenta les arguments en faveur de la fédération en juin et réussit à réunir une Grande coalition afin d’accomplir les changements nécessaires. Cela équivalut à un coup efficace contre le progrès que les forces patriotiques au Canada avaient réalisé depuis 1858, alors que Buchanan fut sorti de force de la Présidence et Brown, nommé à sa place.
Les quelques années qui suivirent verront l’assassinat de Lincoln, l’annulation du Traité de réciprocité de la part des États-Unis et l’augmentation subséquente des tarifs américains, la baisse des tarifs canadiens passant de niveaux protectionnistes et descendant aux niveaux des revenus en 1865, et la création d’un pays sans autre but que, dans les mots de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, de « promouvoir le bien-être des Provinces…et les intérêts de l’Empire britannique [mise en évidence ajoutée – RDA]. » Pendant ce temps-là, Isaac Buchanan avait fait faillite et s’était retiré des affaires publiques. Il ne sera pas débarrassé de ses dettes avant 1878.[39]
7. La sanglante Confédération
George Brown et ses alliés réussirent à déposer le gouvernement d’Isaac Buchanan à la mi-juin de 1864. Brown lui-même devint le président du conseil exécutif dans le nouveau gouvernement proclamé le 22 juin 1864. Brown fut choisi pour commencer les négociations avec le gouvernement impérial à propos du plan d’une union, et pour entrer en consultation sur la défense de l’Amérique du Nord britannique, incluant inévitablement le sujet de plus en plus volatile de l’utilisation du Canada comme base pour les opérations des Confédérés, protégés par la Grande-Bretagne, contre les États-Unis. Le contenu des discussions de Brown avec les Britanniques est évidemment secret, mais le moment propice de ces discussions, d’abord celles avec les représentants britanniques au Canada, puis de l’autre côté de l’Atlantique en Grande-Bretagne, coïncidait avec le grand drame se déroulant en Amérique.
George Sanders arriva au Canada en provenance de la Grande-Bretagne en juin 1864, afin de constituer l’équipe d’intervention pour les assauts contre les États-Unis, avec le colonel britannique George St. Leger Grenfell et des officiers du service secret des Confédérés, tels que Jacob Thompson et Nathaniel Beverly Tucker. Le colonel Grenfell était le fils et le neveu des fondateurs de la banque familiale qui devint plus tard Morgan-Grenfell et qui représentait l’oligarchie financière au service de laquelle George Brown consacra sa carrière. Sanders, natif du Kentucky, était le principal porte-parole américain pour Giuseppi Mazzini, le révolutionnaire de prédilection de Lord Palmerston. Sanders avait été engagé en tant qu’agent salarié de la Compagnie de la Baie d’Hudson par Sir John Henry Pelly, le gouverneur de la Compagnie de la Baie d’Hudson et gouverneur de la Bank of England.
Pendant la première semaine de juillet, soit la deuxième semaine après que le gouvernement canadien de George Brown soit arrivé au pouvoir, Sanders, Thompson, Grenfell et d’autres de l’équipe anglo-confédérée étaient à Niagara Falls, en Ontario, pour une réunion avec les partisans américains de la paix, dirigés par Horace Greeley, une réunion conçue par Sanders pour embarrasser le président Lincoln. Cette conférence de Niagara Falls devint célèbre quand Greeley écrivit à Lincoln à ce sujet, et de plus en plus célèbre après l’assassinat de Lincoln, car George Sanders y soutenait ouvertement le meurtre de Lincoln.[40]
L’agent du service secret des Confédérés John Wilkes Booth arriva à Montréal le 18 octobre 1864, pour entamer les conférences avec Sanders et l’équipe d’intervention. Le jour suivant, le 19 octobre, des guérillas de Confédérés basées au Canada, déployées par Sanders, l’hôte de Booth, attaquèrent St. Albans, au Vermont, dérobant $200 000 dans des banques, blessant plusieurs personnes et tuant un poursuivant. Ce fut le plus célèbre acte de terrorisme de la guerre civile américaine. Les maraudeurs retournèrent à Montréal, furent arrêtés, et furent rapidement relâchés, causant un scandale à travers l’Amérique du Nord et tendant les relations anglo-américaines. John Wilkes Booth est connu pour avoir échangé $455 contre une lettre de change pour de l’argent britannique, dans l’Ontario Bank à Montréal le 27 octobre.[41] Booth était de retour dans la ville de New York le 29 octobre, et à Washington le 9 novembre 1864.
George Brown quitta le Canada à destination de la Grande-Bretagne au début de novembre 1864. À cette même période, le colonel George St. Leger Grenfell et d’autres de son équipe d’intervention avaient été arrêtés à Chicago par des détectives américains, et furent accusés de tramer des attaques terroristes et des assassinats dans le Midwest américain. Pendant ce temps en Grande-Bretagne, Brown passa plusieurs heures au Bureau colonial; il rencontra William Gladstone, le ministre des Finances. Brown participa à des conférences au ministère de la Guerre à propos de la défense. Lord John Russell le convoqua au ministère des Affaires étrangères et le bombarda de questions sur les relations entre le Canada et les États-Unis. Brown rencontra des douzaines d’autres membres de l’élite britannique, et passa du temps avec John Bright ainsi que Richard Cobden. Avant de repartir, Brown passa une fin de semaine en compagnie du Premier ministre Palmerston.
Pendant ce temps-là, en janvier 1865, une commission militaire à Cincinnati, en Ohio, entreprit le procès du colonel britannique Grenfell.
Brown rentra au Canada en février 1865, ayant arrangé des affaires militaires regardant la fin prochaine de la guerre civile américaine. Brown avait la ratification impériale de son projet de confédération, qu’il présenta aux différentes provinces. La reine Victoria, après que ses dirigeants gouvernementaux et militaires soient entrés en consultation avec George Brown, écrivit dans son journal, le 12 février 1865, qu’elle avait parlé ce jour-là « des États-Unis et du danger, qui semble approcher, d’avoir une guerre contre eux, dès qu’ils établiront la paix; de l’impossibilité que nous soyons capables de retenir le Canada, mais nous devons lutter pour le garder. »[42] L’armée confédérée se livra le 9 avril 1865. L’équipe de frappe (hit team) dirigée par John Wilkes Booth attaqua le 14 avril, tuant le président Lincoln et blessant le secrétaire d’État William Seward. Le 2 mai 1865, le nouveau président, Andrew Johnson, fit une proclamation selon laquelle « Il semblerait, d’après les preuves du Bureau de la justice militaire, que le … meurtre de … Abraham Lincoln [ait été] instigué, concerté et obtenu par Jefferson Davis … et Jacob Thompson, … Beverly Tucker, George N. Sanders, … et d’autres rebelles et traîtres contre le gouvernement des États-Unis, réfugiés au Canada. » Booth fut rattrapé et fusillé. Un procès militaire des membres de l’équipe de frappe de Booth commença le 9 mai et les inculpa d’avoir « conspiré avec … George N. Sanders, Beverly Tucker, Jacob Thompson … et d’autres personnes inconnues, pour tuer … Abraham Lincoln…. » Trois furent pendus et quatre emprisonnés à vie. Pendant ce temps, le tribunal militaire responsable de juger le colonel Grenfell le condamna à mort. Le ministre des Affaires étrangères britannique, Lord John Russell, écrivit le 17 juin 1865, ordonnant l’ambassadeur britannique à Washington de conseiller fortement au gouvernement américain d’épargner la vie de Grenfell. Le président Andrew Johnson commua la sentence, et Grenfell joignit d’autres membres de l’équipe d’intervention à la prison américaine de Dry Tortugas. En mai 1865, Brown retourna en Grande-Bretagne dans une mission officielle pour décider de l’avenir du Canada. Le prince de Galles, qui deviendra plus tard Edward VII, invita Brown et son entourage à un souper de 2000 personnes au palais de Buckingham, et ensuite « leur donna l’entrée dans l’intime aisé cercle des 100.[43] Il les invitait à des soupers privés, les gardait ensuite à l’étage à toute heure, à fumer des cigares avec lui, alors qu’il bavardait confortablement dans une superbe robe de chambre turque. »[44] Ils rencontrèrent le cabinet impérial, la famille royale française, les héritiers de Louis-Philippe de même que la reine Victoria en personne. Avec la conclusion de ces rencontres, le processus pour la Confédération pouvait se poursuivre et l’oligarchie britannique pouvait se reposer, assurée que ses intérêts seraient conservés, la politique de piller le Canada restant la procédure normale. Cette nouvelle relation était de beaucoup préférable pour l’empire, car l’oligarchie pouvait éviter toutes les considérations contraignantes de diriger réellement un territoire aussi vaste et se concentrer plutôt sur ce qu’elle appréciait vraiment – le vol.[45] Après une série de rencontres et de conférences, avec George Brown comme force motrice et les Canadiens qui avaient au fond écarté leur souveraineté, la « nation » du Canada était née, avec l’adoption de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique en mars 1867 par le Parlement britannique.
8. La résurgence du Système américain
En réponse à la suppression graduelle du tarif protectionniste en 1865, l’APIC fut ranimée à commencer à exercer des pressions sur le gouvernement afin de retourner aux niveaux de tarifs d’avant 1865. Aussi vers la fin des années 1860, l’Association des manufacturiers de l’Ontario fut fondée, laquelle deviendra plus tard l’Association des Manufacturiers canadiens en 1887, une organisation qui s’accrut pour inclure environ 50 000 membres dans les années 1950. En plus de la réponse de l’industrie, une nouvelle voix en faveur de la protection au Canada entra sur la scène du débat politico-économique. John Maclean,[46] l’un des fondateurs de l’Association des manufacturiers de l’Ontario (MAO), publia en 1867 le premier d’une série de pamphlets attaquant le libre-échange et promouvant des mesures protectionnistes pour le jeune pays. Le tract était écrit d’une façon éloquente et représentait un examen minutieux des arguments utilisés par les libres-échangistes. Maclean argumenta que le support largement répandu du libre-échange au Canada venait de,
« Une idée superficielle, seulement informée partiellement, et sans discernement de ce qu’est l’opinion britannique sur la question de la protection et du libre-échange, et une faible déférence à la soi-disant autorité commerciale, [ceux-ci] sont les principaux appuis sur lesquels repose, dans ces provinces, l’opinion publique populaire pour le libre-échange… ‘On nous demande de croire au libre-échange parce que, selon ses partisans, si ce n’était pas la bonne décision, les éminents hommes d’État et les grands économistes politiques du jour, et les nations dont ils dirigent l’opinion, ne se trouveraient pas à l’adopter.’ »[47]
Maclean cita fréquemment Henry C. Carey comme source, référant aussi aux articles publiés dans le New York Tribune qui était le porte-parole du Système américain aux États-Unis et dont le propriétaire, Horace Greeley, avait aussi été l’associé d’Isaac Buchanan depuis les débuts de l’APIC et le tarif de 1858. Maclean fit également de nombreuses références aux écrits de Buchanan, qui fut l’une des plus importantes influences dans le façonnement de ses propres politiques. Maclean utilisait les exemples de l’application réussie de mesures protectionnistes par les États-Unis et également par le Zollverein allemand afin de justifier l’adoption de politiques similaires au Canada.
Maclean restera actif comme journaliste et pamphlétaire jusqu’à l’adoption de la Politique nationale en 1879, dans laquelle il joua un rôle crucial, étant alors employé par le ministre des Finances après 1878.
Au cours des années suivant immédiatement l’agitation de la guerre civile, les exportations américaines ne s’étaient pas élevées au-dessus du niveau atteint avant la guerre. Mais après ce moment de calme, les tarifs extrêmement élevés, la construction du chemin de fer parrainé par le gouvernement et les autres mesures proindustrielles de l’administration de Lincoln prirent leur effet, et ce de façon complète et spectaculaire. Pendant la décennie de 1870, les États-Unis s’industrialisèrent à un rythme jamais vu dans le monde auparavant ou depuis. Ils devinrent le pays le plus industrialisé et leurs exportations triplèrent durant cette décennie. Bientôt l’Allemagne, imitant le protectionnisme américain, dépassa la Grande-Bretagne et prit la deuxième place. La Russie et le Japon, tous deux des alliés des Américains, avançaient rapidement, menaçant de laisser la Grande-Bretagne à l’état de puissance mineure. Le nationalisme au style américain était l’ordre du jour.
Dans un pamphlet publié en 1879, John Maclean écrivit : « Grand fut le changement… rencontré, pendant la période suivante [1873-78], quand l’insuccès des marchés européens et autres fit tomber les prix britanniques [commençant pendant la Dépression de 1873], et quand nos voisins américains, qui récemment étaient les acheteurs les plus abondants et extravagants au monde, soudainement arrêtèrent tout cela et devinrent plutôt une nation de vendeurs entreprenants et avides. Une vaste révolution commerciale avait éclaté dans le monde, tandis que les affaires canadiennes étaient entre les mains d’hommes qui n’y voyaient rien de pire qu’une légère perturbation temporaire, qui devrait bientôt se dissiper. »[48]
Maclean, attaquant les politiques du gouvernement d’Alexander Mackenzie de 1874-78, qui était le parti de George Brown, les compara à un bateau qui, ayant navigué sous des alizés favorables, se retrouve maintenant à gouverner directement en plein milieu d’un ouragan. « La tempête frappe le bateau juste au moment où il a été pris en charge par un capitaine et un pilote nouveaux, qui crurent que de le gouverner hors de la trajectoire de la tempête n’était pas de leur affaire du tout. »[49]
9. La réciprocité revisitée
La réponse de Mackenzie à l’effondrement de 1873 fut d’envoyer George Brown, alors membre du sénat canadien, aux États-Unis afin d’assurer un renouvellement du Traité de réciprocité. Puis, à la demande du gouvernement « souverain » du Canada, le gouvernement impérial en Grande-Bretagne désigna George Brown et le ministre britannique à Washington, Sir Edward Thornton, afin que ces derniers négocient avec les États-Unis.
Mais les États-Unis repoussèrent les propositions de Brown qui consistaient en plusieurs concessions au commerce américain. Ce que le gouvernement américain voulait était « d’avoir un différentiel de droits de douanes face aux biens britanniques inséré dans un accord commercial avec le Canada. » « Mais Brown s’opposait fermement à l’idée de donner une position privilégiée aux biens américains au Canada via des droits de douanes préférentiels par rapports aux biens britanniques, ou à n’importe quoi s’apparentant à une union douanière nord-américaine [mise en évidence ajoutée]. » [50] À propos de ce sujet, les négociations, malgré tous les efforts, entrèrent dans une impasse. Brown et son libre-échange bien-aimé avaient échoué. Pendant ce temps-là, le nombre de ceux qui demandaient le protectionnisme augmentait.
10. L’élection de 1878 ou « la dernière représentation de Brown »
À l’automne 1877, le Canada demeurait en proie à une dépression, une agitation largement étendue parmi les classes ouvrières, un effondrement des finances publiques et une clameur grandissante pour le protectionnisme.
« Le Globe de Brown se tenait encore inébranlablement en faveur des principes cobdeniens britanniques du libre-échange et du libéralisme économique. Le commerce se corrigera par lui-même, proclamait-il avec confiance. La récolte avait été bonne; la dépression économique mondiale était une purge nécessaire après la spéculation et la surcomplaisance, et elle amènera un retour à la santé économique; et le Canada soufrait beaucoup moins que d’autres pays. »[51]
Le journal dénonçait continuellement la Politique nationale des Conservateurs, qui introduiraient le Système américain de tarifs élevés et de développement national, comme annonçant un destin désastreux bien pire que tout ce qui avait été enduré au cours de la dépression actuelle. Le Canada était, après tout, un pays engagé inéluctablement à produire « des matières premières à bon marché » et des produits alimentaires pour le marché mondial.[52] Malgré les arguments du journal de Brown, la population canadienne n’était pas prête à attendre que la main invisible arrange les choses quand cela lui conviendra. Elle voulait un gouvernement qui agirait courageusement en période de crise. La Politique nationale paraissait de plus en plus attirante pour une population confrontée aux,
« …disquisitions du Globe sur le fonctionnement infaillible des lois économiques ou l’insistance du gouvernement Mackenzie selon lequel l’austérité et la réduction des dépenses offraient la seule issue possible. La discussion se poursuivit pendant le morne hiver de 1877-8, alors que le Globe tenta à plusieurs reprises de flairer des signes de reprise afin de prouver la justesse de la judicieuse politique libérale [mise en évidence ajoutée – RDA].[53]
Mais la reprise ne se présentait pas. En fait, le Canada était saigné de sa population. Les émigrants aux États-Unis cherchaient une vie meilleure où la protection gouvernementale faisait prospérer l’industrie du pays. Selon le Bureau du recensement des États-Unis, entre 1860 et 1880, le nombre de personnes natives du Canada vivant aux États-Unis augmenta de 287%, passant de 250 000 à 717 000 personnes. L’élection était fixée pour le 19 septembre 1878. Au cours des dernières semaines, Brown lui-même sortit des confins de la salle éditoriale du Globe et fit la tournée de l’Ontario, livrant des diatribes atrocement longues contre la Politique nationale, déclamant avec extravagance pendant des heures. Mais au jour de l’élection, la volonté de la population retentit clairement – le gouvernement libéral de Brown et de Mackenzie se fit démolir, renverser, et mettre complètement en déroute; leurs politiques de libre-échange, de laisser-faire, furent rejetées sans réserve.
11. La Politique nationale
Les Conservateurs arrivèrent au pouvoir et commencèrent immédiatement à mettre à exécution leurs plans de reprise. John Maclean fut embauché par le ministre des Finances, Sir Francis Hincks[54] et, en tant que membre fondateur de l’Association des manufacturiers de l’Ontario, il jouera un rôle crucial pour faire des promesses électorales des Conservateurs une réalité. En 1879, une réunion fut convoquée avec le MAO à Toronto, où les principaux membres des diverses industries se rencontrèrent séparément afin d’élaborer des protections tarifaires pour leurs propres biens. Une réunion similaire eut lieu à Montréal pour les industriels du Canada de l’est. Les deux groupes se rencontrèrent ensuite à Ottawa et s’entendirent sur des protections tarifaires qui furent soumises par l’industriel hamiltonien Edward Gurney, le président de l’Association, à Sir Leonard Tilley, en lui conseillant de les adopter telles qu’elles étaient; avec de rares exceptions, cela allait être le cas. Cette même année, un Maclean exultant écrira,
« En vain sont les arguments d’Adam Smith, puissants comme ils l’étaient contre certaines absurdités de son époque, invoqués contre le protectionnisme tel qu’il prend forme dans la nôtre (au Canada – RDA). Il dénonça la protection du petit nombre aux dépens du grand nombre, mais qu’aurait-il dit s’il avait vécu pour voir la protection demandée par les millions, et résistée principalement par quelques doctrinaires érudits et par les intérêts plus étroits du simple transport, de l’achat et de la vente, qui sont distincts des intérêts plus larges et plus populaires de la production même? »[55]
La Politique nationale incluait plus qu’une simple protection tarifaire. Le tarif en tant que tel était conçu pour encourager la fabrication de tout ce que le Canada avait le potentiel de produire – le blé, le textile, le charbon et l’acier, par exemple; laissant l’importation de biens tels que le café, le thé et le coton exempts de droits. Un accent spécial fut mis sur le développement de la capacité d’usinage mécanique du pays pour l’équipement agricole, un domaine dans lequel le Canada demeure un leader mondial jusqu’à nos jours. Dû au besoin de déplacer les biens rapidement dans toutes les régions d’un pays si vaste, l’autre caractéristique critique de la Politique nationale était l’intention de bâtir un système ferroviaire continental, complété en 1885, après quoi le Canada se vantera de posséder le plus long réseau ferroviaire au monde. La combinaison de la protection tarifaire et des voies ferrées contribua à développer un solide échange de biens est-ouest; entre-temps, les revenus du gouvernement augmentèrent substantiellement. Des industries de toutes sortes commencèrent à apparaître. À Toronto, le nombre de compagnies manufacturières plus que doubla entre 1881 et 1891, de 890 à 2109. Le nombre de compagnies industrielles passa, nationalement, de 38,898 au début des années 1870 à 69,716 en 1891, et le nombre de personnes employées par ces compagnies augmenta de 182,000 à 351,000.[56] Le gouvernement conservateur garda le pouvoir jusqu’en 1896, lorsqu’il fut mis en échec par les Libéraux de Wilfrid Laurier. Ces Libéraux, néanmoins, maintinrent les caractéristiques essentielles de la Politique nationale, jusqu’à leur défaite en 1911. Trente-trois années de protectionnisme réussi, qui donnèrent naissance à un Canada moderne en tant que pays industrialisé – pas trop mal pour une politique que George Brown appelait « un misérable feu follet »![57]
12. Un héritage patriotique
En 1879, John Maclean désigna la Politique nationale sous le nom de la « Déclaration d’indépendance du Canada; »[58] ce l’était jusqu’à un certain point, même si le pays est demeuré rattaché à la couronne britannique. Mais malgré les événements de 1864-7, quelque chose de cet esprit patriotique et visionnaire, manifesté par des hommes comme Isaac Buchanan, resta. En 1876, les fruits de l’héritage des patriotiques bâtisseurs de nation du Canada furent exposés au monde, quand, à l’Exposition des célébrations du centenaire à Philadelphie, le Canada exposa le troisième plus grand nombre de machines-outils, devancé seulement par les États-Unis et les deux États combinés de l’Allemagne. Le Canada reçut une quantité renversante d’éloges, tel que raconté par Thomas C. Keefer, notant les observations de plusieurs figures internationales :
« Aucun autre pays n’a produit un plus fort sentiment de surprise par l’étendue et l’excellence de l’exposition générale de machinerie que le Canada (…) La machinerie canadienne a son caractère propre; contrairement à certaines nations continentales, la théorie n’a pas précédé la pratique, dû aux circonstances que son savoir d’ingénierie et son expérience ne sont pas parvenus à la fonderie et à la forge par l’entremise des collèges technologiques, ou des salles de cours, mais plutôt par l’enseignement de la nécessité… le style constitue un amalgame d’Anglais et d’Américain, mais plus de celui-ci que de celui-là… mais avec une considérable trace de pensée originale transparaît dans l’ensemble (…) Peut-être que leur outil le plus parfait était une large machine à mortaiser (slothing machine) aux belles proportions, très uniformément effectuée dans tous les détails, avec chaque partie en bonne harmonie avec les autres, ce qui est une qualité exceptionnelle, et rarement manifestée par ces fabricants qui peuvent seulement imiter (…) Il y a une fraîcheur et une vigueur de jeunesse manifestées dans le dessin et l’exécution qui laissent présager un futur géant. »[59]
Thomas C. Keefer (1821-1915)
Par ailleurs, Keefer, en 1899 (et à 89 ans, rien de moins), donna un discours à la Société Royale du Canada où il « projeta une vision extatique du formidable futur industriel qui attendait le Canada à l’âge hydroélectrique. La perspective qui stimula particulièrement son imagination était celle d’un train sans fumée, à haute vitesse et électrique, se précipitant silencieusement entre des villes propres et bien éclairées. »[60] Le Canada, comme les États-Unis, fut bâti par des visionnaires qui se sont mobilisés dans le but précis de créer une nation. Tout ce que nous avons de bon de nos jours dans ce pays résulte, non pas des ordres impériaux de la mère patrie, mais de notre relation dynamique avec la République des États-Unis. Que des hommes tels que Buchanan et Keefer aient conçu le progrès comme étant lié à notre capacité à nous améliorer nous-mêmes et notre environnement fut crucial pour comprendre comment ils furent capables de façonner leurs sociétés comme ils l’ont fait, juste comme cette même idée, enracinée dans la Constitution et la Déclaration d’Indépendance des États-Unis, continue à être le facteur déterminant dans la grandeur de cette nation. Une nation sans but n’est pas une nation du tout, et, dans la mesure où les États-Unis ont aspiré à ce but, ainsi ont-ils prospéré; et lorsqu’ils se sont détournés de leur mission, ils ont souffert. Le Canada, en tant que nation, demeure une proposition naissante. Sachant cela, est-ce que la jeune génération de Canadiens reprendra l’héritage d’Isaac Buchanan et les principes qu’il a représentés? Allons-nous créer une nation réellement souveraine dévouée au progrès de sa population? Ce sont les questions qui reposent perpétuellement sous nos yeux, de sorte que nous, du Mouvement des jeunes de LaRouche, essayons d’obtenir la création d’une République canadienne, afin que nos concitoyens participent dans une union plus parfaite au sein du genre humain.
[1] Mais pas l’année où nous sommes devenus une nation, car l’heureuse époque attend avec avidité l’épanouissement du leadership représenté par le Mouvement des Jeunes de Lyndon LaRouche, lesquels jeunes sont dédiés à la création d’une république engagée envers une idée : la promotion du bonheur et du bien-être de tous les Canadiens et de leur postérité.
[2] C’est-à-dire, le développement de l’infrastructure.
[3] Aujourd’hui le Globe and Mail; à l’époque le journal le plus influent.
[4] L’Ontario et le Québec, respectivement.
[5] Les Britanniques décidèrent d’octroyer aux colonies de l’Empire le contrôle sur toute affaire à conséquence insignifiante, tandis que les sujets de véritable importance, tels le commerce et la défense, restaient entre les mains de la Couronne.
[6] Depuis ce temps, l’« École de Manchester » se rapporte au libéralisme radical du XIXe siècle, caractérisé par le laissez-faire, le libre-échange, le retrait gouvernemental de l’économie, et le mensonge intentionnel à l’égard des effets « harmonieux » du capitalisme de la libre entreprise. La doctrine de l’École de Manchester a été maintenue en vie par des personnages d’une moralité incroyablement « droite » tels Friedrich von Hayek, Milton Friedman et les idéologues de la Société du Mont Pellerin.
[7] Ezra Champion Seaman, Essays on the Progress of Nations (1853), p. 599. Le passage de Seaman est cité dans Isaac Buchanan, Relation of the Industry of Canada With the Mother Country and the United States (1864) p. 152 (à l’avenir désigné par « Relations »).
[8] Avant l’abolition des lois sur le blé en 1846, le Canada faisait partie du système impérial de libre-échange par lequel les colonies approvisionnaient la Grande-Bretagne de matières premières, et en retour achetaient les biens finis de celle-ci. C’était une politique de centralisation des manufactures. Après 1846, le libre-échange était étendu au-delà de l’empire, opposant les fermiers canadiens aux fermiers américains et autres pour les exportations vers la Grande-Bretagne.
[9] Morgan, H. J. Sketches of Celebrated Canadians (1862) (à l’avenir désigné par « Sketches »).
[10] « L’un des plus grands hommages (selon sa propre appréciation) à M. Buchanan en Grande-Bretagne fut rendu par les classes ouvrières, qu’il avait secondées, contre les libres-échangistes, dans leur lutte réussie pour la « Loi des dix heures »; à cette occasion, il fut attendu par une délégation représentant cent mille hommes, à ce moment majoritairement sans travail à Londres, lui rendant hommage et remerciements. Une proposition fut faite au même moment, d’acheter, s’il allait accepter de s’y associer, un journal londonien quotidien de soir à vendre, le Courier, afin d’y soutenir leurs opinions communes, et ils suggérèrent alors, en son honneur, de l’appeler le Currency Reformer. » Relations pp.438-439.
[11] Sketches.
[12] Sketches.
[13] Relations p. 41. Comme preuve de la profonde influence de Clay sur ses propres politiques, Buchanan avait inclus à la page 30 de ce volume son endossement, plusieurs décennies auparavant, de cet homme d’État comme étant « le plus grand Américain en vie ».
[14] En 1849, suite à l’abolition des lois sur le blé et à la dépression de 1847, un large groupe d’hommes d’affaires coloniaux formèrent une ligue qui publia un document intitulé le Manifeste annexionniste. Leur argument était que dû à l’adoption du libre-échange, les Britanniques n’avaient laissé au Canada aucune autre option que de chercher la protection derrière le système tarifaire américain en se joignant aux États-Unis. Par la suite, la Grande-Bretagne répondit à la condition de sa colonie et organisa le Traité de réciprocité de 1854, un accord de commerce de dix ans, qui ouvrait aux fermiers canadiens l’accès aux marchés américains, tandis qu’au même moment il donnait aux Américains le libre accès aux systèmes de canaux du Canada et aux pêcheries de l’Atlantique.
[15] Gates, Lillian F. After the Rebellion: The Later Years of William Lyon Mackenzie. Toronto & Oxford; Dundurn Press 1988. p. 268. Mackenzie, un personnage contradictoire lui-même, n’a pas nécessairement endossé les théories d’Isaac Buchanan, mais il était engagé dans un dialogue approfondi avec lui pendant cette période et considérait important que les idées de Buchanan circulent largement.
[16] Careless, J.M.S. Brown of the Globe, Macmillan Company of Canada Limited; Toronto 1959. Vol. 1 p. 259.
[17] Les tarifs américains étaient généralement plus élevés que les tarifs canadiens, quelque part entre 5% et 20%. Il est intéressant de noter que les États-Unis ont, en fait, vu leurs exportations de produits manufacturés augmenter de $899 399 entre 1858 et 1859. Cela est probablement dû au fait que les exportations britanniques étaient pénalisées par les coûts de transport, sensiblement plus élevés, requis pour emmener les biens britanniques jusqu’aux marchés canadiens, créant ainsi, en quelque sorte, un système tarifaire à deux vitesses, lequel donnait un avantage à la proximité des manufactures américaines. Une allusion au Zollverein de Buchanan peut être détectée ici.
[18] Relations p. 13. Quand les espèces (en or) ont été retirées du pays, les fonds se sont contractés et les banquiers ont monté les taux d’intérêts, atteignant souvent des sommets de 20 à 30% et étranglant ainsi l’économie.
[19] Relations p. 14-15.
[20] Careless Vol. 1 p. 160. Buchanan référerait à l’École de Manchester et aux libres-échangistes, Brown inclus, comme « professant la doctrine de Robespierre – faites périr les Colonies plutôt que notre théorie. »
[21] Lester, alors qu’il était Consul à Gênes, écrivit sur ses voyages en Grande-Bretagne, décrivant la pauvreté largement répandue parmi les classes les plus basses et la corruption commune dans l’aristocratie, et le tout fonctionnant sous le joug d’une monarchie tyrannique.
[22] Careless Vol. 2 p. 337.
[23] Certains peuvent s’objecter à notre portrait de Brown, disant que nous ne devrions pas le juger si sévèrement; peut-être ne connaissait-il simplement rien de mieux, car il semblait traiter ses amis et sa famille assez bien! Mais souvent des personnes « décentes » perpétuent des politiques néfastes. Pensez aux financiers d’aujourd’hui qui promeuvent les politiques qui détruisent le monde – les systèmes de travail esclave, les génocides, la spéculation financière – néanmoins, ils embrassent probablement leurs enfants et leur femme au coucher, et serrent la main de leurs voisins comme tout le monde.
[24] Globe, 23 décembre 1849.
[25] Careless 181.
[26] Careless Vol. 1, p.302-3.
[27] Le chemin de fer devait assurer le service entre la ville de Québec et Windsor. L’intention n’était pas de promouvoir le développement de l’industrie et de l’infrastructure dans la colonie, puisque la politique de libre-échange et la centralisation des manufactures se poursuivaient; plutôt, il semblait que le désir d’avoir un chemin de fer intercolonial était enraciné non seulement dans l’amitié impériale, mais aussi dans la crainte de l’Empire de l’influence américaine dans le territoire britannique. La construction du Grand Tronc fut financée par les revenus canadiens, qui allaient directement dans les poches des investisseurs britanniques qui dirigeaient cette vaste opération de pillage à partir de Londres.
[28] Salisbury, W. Allen, The Civil War And the American System, EIR 1992, pp. 30-1. Henry C. Carey, “The Financial Crisis, Their Causes and Effects,” dans Miscellaneous Works pp. 21-24.
[29] Globe 10 avril 1862. Brown ne supporta jamais une milice coloniale. Il préférait que le Canada fasse appel à l’armée britannique quand la défense devenait une préoccupation. Bien sûr, un pays sans moyens de défense efficaces et manquant de capacité de manufacturer le nécessaire pour la guerre ne pourra jamais considérer sérieusement l’indépendance.
[30] Indifférent aux décisions prises par le gouvernement, Buchanan fonda le 13e (Hamilton) Bataillon d’Infanterie (plus tard l’Infanterie Royale légère d’Hamilton) et occupa le rang de lieutenant-colonel pendant environ deux ans. Il avait fréquenté le service durant les rébellions de 1837 et était l’un des officiers les plus haut gradés du service de la milice. Sous toute opération militaire canadienne, Buchanan aurait joué un rôle important.
[31] Composé d’une compilation de ses discours, pamphlets, essais et lettres. Cela incluait également des extraits d’autorités économiques telles qu’Henry C. Carey, J. Barnard Byles, et les écrits d’autres Canadiens et figures internationales, incluant un essai de 1832, intitulé Une monarchie entourée d’institutions républicaines, par le Marquis de Lafayette, traduit par James Fennimore Cooper. Cette publication préconisait fortement le protectionnisme et la souveraineté dans les politiques économiques, intérieures et étrangères. Le trait central qui émerge du texte est le besoin d’un Zollverein canado-américain.
[32] L’intention du Zollverein, contrairement à l’Accord de libre-échange de l’Amérique du Nord (ALENA), était de créer des salaires élevés et des économies hautement industrialisées de chaque côté de la frontière du Canada et des États-Unis.
[33] Relations p. 155. Des extraits des écrits d’Henry C. Carey, parfois en détail sur plus de trois pages, sont dispersés à travers le propre travail de Buchanan, particulièrement dans Relations, déclarant, « De ces travaux, j’ai confiance qu’il y aura bientôt des Éditions canadiennes à bon marché par million, grâce aux efforts de l’Association pour la Promotion de l’Industrie canadienne [insistance dans l’original – RDA]. »
[34] Relations p. 118, 144.
[35] Careless Vol. 2 p.65.
[36] Relations pp. 9-22. Voir aussi les notes 25, 30, 31.
[37] Globe, 6 janvier 1864.
[38] Le président du Conseil exécutif était la position politique la plus influente dans la colonie. Le président était deuxième seulement derrière le gouverneur général lui-même, et ainsi exerçait une force de pouvoir proportionnelle. Merritt, en tant que président de 1848 jusqu’à 1851, avait été capable de lancer de nombreux projets d’infrastructure, et eut une influence incroyable dans les affaires domestique et étrangères.
[39] Son frère Peter, qui dirigeait les affaires de la famille pendant qu’Isaac était occupé en politique, mourut en 1862 lors d’un accident de chasse en Grande-Bretagne. Presque ruiné en 1864, Isaac se retira du Parlement le 17 janvier 1865. Le commerce (business) se débattit jusqu’en 1867, et s’effondra complètement ensuite.
[40] New York Times, 30 décembre 1880.
[41] Général William A. Tidwell, Come Retribution : The Confederate Secret Service and the Assassination of Lincoln, 1988, Presses de l’Université du Mississippi, p.334.
[42] The Letters of Queen Victoria, 1926, Londres, John Murray, vol. I, p.250.
[43] Le cœur de l’oligarchie britannique.
[44] Careless, Vol. 2 p.195.
[45] Maclean, John. Protection in Canada, 1879. « Quand la confédération surgit, les populations de l’Ontario et du Québec furent appelées à faire des sacrifices, en partie pour se mettre d’accord avec les populations des provinces des Maritimes, mais encore plus, il est cru, en obéissance à la pression de la Grande-Bretagne, une pression politique, financière et sociale mise de l’avant pour influencer nos hommes publics en faveur du libre-échange. »
[46] Maclean est une figure énigmatique. Il n’y a presque rien d’écrit sur lui, à l’exception de la rumeur d’une soi disante entrée pour le Dictionnaire canadien des biographies qui ne fut jamais publiée, et le présent auteur n’a pas encore été capable de la découvrir. Le gros de notre savoir provient d’un mémoire de maîtrise publié en 1983 par Kevin Henley de l’Université du Québec à Montréal.
[47] Maclean, John. Protection and Free Trade, 1867 pp. 6-7.
[48] Maclean, John. Protection in Canada, 1879 p.10.
[49] Ibid. « M. Mackenzie et ses collègues étaient entièrement imprégnés de l’idée benthamienne que le meilleur gouvernement est celui qui gouverne le moins, et que… la sphère et les devoirs du gouvernement devraient être réduits au minimum et restreints aux limites les plus étroites possibles.
[50] Careless Vol. 2 pp.318-320. Le gouvernement des États-Unis avait été totalement conscient depuis plus d’une décennie que l’idée d’une union douanière/Zollverein était encouragée par certaines figures importantes comme Isaac Buchanan.
[51] Globe, 26 octobre 1877. Évidemment, les Canadiens auraient dû être reconnaissants de subir une telle souffrance!
[52] Globe, 3-8 et 12 septembre 1877.
[53] Careless pp.352-3. Globe, 20 novembre, 14 et 24 décembre 1877.
[54] Hincks avait été un proche associé de Merritt, Baldwin et Lafontaine, et occupait une importante position dans le gouvernement de 1848-51; il était un ennemi de Brown et avait été la cible de nombreuses attaques personnelles dudit personnage à travers les années.
[55] “The Alliance of Democracy and Protection” Rose-Bedford’s Canadian Monthly and National Review, II (1879) 275.
[56] Couturier, J.P. en collaboration avec Un Passé Composé – Les Canadas de 1850 à nos jours.
[57] Globe, 16 septembre 1878.
[58] Protection in Canada p. 27.
[59] Keefer, T.C. Universal Exhibition 1878 Paris : Canadian Section; Handbook and Official Catalogue.
[60] Railroads p. xxii.