Par Matthew Ehret-Kump

Traduit par Yanick Caron

 

Bien que cela ne doive pas être une surprise, le système bancaire canadien longtemps considéré comme « le système le plus stable du monde » en raison de sa « culture bancaire conservatrice », n’est rien de la sorte. L’acceptation de cette révélation s’est imposée pour plusieurs lorsque l’agence de notation Moody’s a publié un rapport le 25 Juin 2012[1] stipulant que les « corrections » de secours apportées afin de préserver de l’annihilation une bulle immobilière canadienne gigantesque, sont arrivées trop tard.

Que s’est-il passé ?

En Avril 2012, le Centre Canadien pour des Politiques Alternatives (CCPA) a publié un rapport intitulé « Le Gros Secret des Grosses Banques » qui démontrait un tour de passe-passe de $ 114 milliards visant à sauver les 5 plus grosses banques canadiennes « trop grosses pour disparaître »  qui se sont retrouvées remplies d’actifs sans valeur durant la période de Novembre 2008 jusqu’en 2009[2]. Comme le rapport du CCPA le démontre, ces sauvetages ont été amorcés par le gouvernement canadien via la Société Canadienne d’Hypothèque et de Logement, qui a produit 67 milliards de dollars afin d’effacer les actifs toxiques des registres de ces institutions financières privées. De plus, ces mêmes banques ont profité de la réduction à 0% du taux de la Réserve Fédérale en 2011, afin de faire d’importants emprunts même si, pendant tout ce temps, elles ont maintenu qu’elles étaient en parfaite santé, et qu’elles n’avaient pas besoin d’aide. Cette stratégie de la Fed, ainsi qu’une opération de renflouement similaire menée par la Banque du Canada, représentaient le reste des 114 milliards de dollars (figure 1).

Les défenseurs du plan de sauvetage au Canada, peu importe leur allégeance politique et tout comme leurs homologues américains, vont défendre cette arnaque en la qualifiant d’abord  d’«injections de liquidités» ou d’«investissement», puis en précisant qu’un profit a été réalisé après que la première « injection » ait été remboursée avec intérêt ! Cependant, comme aux États-Unis, ce qu’on a tendance à éviter est le fait que ces actifs toxiques couverts par le revenu des contribuables représentent une valeur plus grande, par plusieurs magnitudes, que sa valeur nominale, grâce aux scandaleux effets de levier  pratiqués dans le domaine des produits dérivés, au Canada comme dans le monde. Dans le cas des Etats-Unis, les actifs réels associés à ces opérations de sauvetage étaient en fait plus de $ 29 billions[3]. Il nous vient alors une question : quelle somme de capitaux spéculatifs fictifs est réellement représentée par les $ 114 milliards injectés dans le système bancaire canadiens?

La crise immobilière au Canada

Pendant que la population canadienne et leurs politiciens s’entêtaient à croire que le système bancaire canadien est le meilleur du monde et immunisé contre la crise mondiale actuelle, le Canada s’est retrouvé avec sa propre bulle immobilière, où les prix ont doublé depuis 2002 (figure 2), bien que dans certains cas, durant le même intervalle, le prix a plus que quintuplé. Cette bulle propulsa la valeur moyenne des maisons canadiennes au-delà de celle des États-Unis à son niveau le plus haut au mois de juin 2011 (figure 3). Si l’on ajoute à cela le niveau d’endettement de la population (se maintenant à 150% du PIB annuel), qui est en fait l’un des plus élevés parmi les pays occidentaux, l’idée d’un Canada ayant une culture financière « conservatrice » ne tient plus debout. On y découvre à sa place l’ombre du même système prédateur qui détruit maintenant le reste du monde.

Aujourd’hui, les actifs totaux associés au domaine de l’immobilier atteignent plus de $1.1 billion, et il est important de garder à l’esprit que nous nous trouvons non pas isolés, mais dans le contexte d’un effondrement hyper-inflationniste du système monétaire transatlantique.

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Figure 1 ; source : www.theeconomicanalyst.com

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Figure 2 : Prix moyen des maisons au Canada ;  source : www.theeconomicanalyst.com

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Figure 3 : Valeurs Immobilières : Comparaison entre les USA et le Canada, de Janvier 2000 à Juin 2011 ; source : www.mjperry.blogspot.com

Qu’est-ce qui a permis à cette bulle de grossir?

Dans la turbulence économique désormais à notre porte, le « chewing-gum » qui prévient un effondrement du système financier canadien est surtout les taux d’intérêt ultra-faibles maintenus par la Banque du Canada. Ces faibles taux d’intérêt de près de 0% (figure 4) permettent d’emprunter à bon marché et attirent les agences spéculatives internationales résultant en une bulle toujours croissante. Certaines sources au sein du gouvernement canadien ont révélé à cet auteur que, lors de discussions internes, Mark Carney a lui-même souligné qu’une légère augmentation des taux d’intérêt créerait un défaut de paiement immédiat chez 10% des propriétaires de maisons, ce qui  enclencherait un effondrement en spirale dans tout le reste de l’économie beaucoup plus grand que les $ 110 milliards en valeur nominale.

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Figure 4 : taux des fonds à un jour de la banque du Canada ; source : www.theeconomicanalyst.com

Ces taux d’intérêt ont été maintenus artificiellement bas principalement grâce à un système frauduleux impliquant l’argent des contribuables canadiens et la Société Canadienne d’Hypothèque et de Logement, société créé en 1946 comme une agence d’assurance fédérale basée sur les modèles américains de Fannie Mae et Freddy Mac mais qui, grâce à la libéralisation économique actuelle, se comporte désormais comme un monstre dont l’unique but est de soutenir un système agonisant, comme en témoigne son astronomique plafond d’assurance de $ 600 milliards (un plafond qui a été augmenté à plusieurs reprises par le gouvernement Harper au cours des dernières années, de $50 milliards en 1988 à $ 350 milliards en 2007 (voir figure 5)). L’autre grand assureur hypothécaire, Genworth Canada, étant toujours privé, dispose également d’un plafond de $ 250 milliards, dont 90% seraient assurés par le gouvernement canadien en cas de faillite.

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Figure 5 : la SCHL a maintenant un plafond de plus de $500 milliards à cause de l’Administration Harper

Pour réitérer la formule: les actifs risqués sont garantis par le gouvernement à la condition que ce dernier maintienne les taux d’intérêt à près de zéro avec l’intention, ou plutôt l’espoir, que des profits exponentiels puissent être générés à partir de rien. Pour que cette magouille fonctionne cependant, un cadrage très centralisé de haut en bas du gouvernement et du financement privé doit se produire. Comme l’historien Tom Taylor a écrit en 1976: « Le pouvoir politique des grandes banques et de l’Association des Banquiers ne saurait être exagéré. Les lois bancaires ont été écrites en grande partie par les mêmes banques prétendument régies par celles-là[4] »

Bien qu’il est important de comprendre le fonctionnement du « chewing-gum »  maintenant le navire canadien des finances en vie, il est essentiel de garder à l’esprit la plus importante des questions : « Qui a conçu le navire et le dirige dans l’abîme ? »

Pour comprendre cela, il est nécessaire de revenir un peu plus loin en arrière et reconnaître les effets perfides de la destruction de trois des quatre piliers bancaires par les gouvernements de Mulroney en 1987. Il est possible de démontrer que ces pratiques spéculatives, utilisées par les cartels financiers canadiens autant ici qu’à travers le monde, ont créé la bulle actuelle, et qu’elle n’aurait jamais vu le jour si l’on avait gardé la « loi des quatre piliers ». Après l’abolition de ces piliers, les banques, les courtiers en prêts hypothécaires et les spéculateurs ont pu tout combiner, et une vague de fusions des institutions financières déjà cartellisées ont donné lieu à un nouveau type de monstre qui peut prendre les dépôts légitimes et créer d’énormes profits avec des créances à risque titrisées (ainsi que d’autres actifs assurés), et tout cela sous un même toit.

Cette expérience canadienne de dérèglement bancaire s’est aussi produite aux USA, lors de la suppression de la loi Glass-Steagall par l’adoption de la loi Gramm-Leach-Bliley en 1999, orchestrée par l’oligarchie qui loge à la City de Londres, organisée autour des banques du Groupe Inter-Alpha de Lord Jacob Rothschild.

Aujourd’hui, ce système a gonflé au-delà de toutes limites rationnelles. L’oligarchie financière au Canada, qui se regroupe publiquement  autour du Conseil Canadien des Chefs d’Entreprise, a effectué un véritable coup d’état au cours des dernières décennies pour leurs maîtres londoniens. Le temps est venu de décider si le Canada ira de l’avant avec l’option LaRouche impliquant un système bancaire à quatre piliers, un crédit productif public et le système d’infrastructure NAWAPA, en conformité avec la dynamique de développement amenée par l’Organisation de Coopération de Shanghai, ou sera détruit en se réduisant à un outil utile pour le moment, mais qui va bientôt disparaître

[1]Moody’s Warns on Mortgage Debt, 25 juin  2012, www.globeandmail.ca

[2]The Big Banks’ Big Secret: Estimating government support for Canadian banks during the financial crisis, par David Macdonald, avril 2012. www.policyalternatives.ca

[3] “$29,000,000,000,000: A Detailed Look at the Fed’s Bail-out by Funding Facility and Recipient” by James Fulkerson, décembre 2011. http://www.levyinstitute.orgwww.levyinstitute.org/

[4]History of Canadian Businesses: 1867-1914, 1976

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